La Médiation Animale en Vogue

Christine Legrand , le 30/05/2017 à 7h56

La médiation animale a d’abord été utilisée avec les enfants.

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La médiation animale a d’abord été utilisée avec les enfants. / Andrew Branch / Unsplash / CC

La mise à contribution d’animaux familiers pour soigner des hommes a des origines très anciennes, mais elle a été théorisée en 1962 par le Dr Boris Levinson, professeur de psychologie dans l’État de New York. Alors qu’il recevait en consultation un enfant autiste, il avait oublié de faire sortir son chien. L’enfant, emmuré dans le silence, s’est mis à communiquer avec lui.

Des animaux d’abord utilisés comme médiateur avec les enfants

À partir de là, il effectuera ses consultations en sa présence. S’appuyant sur Freud, qui considérait que les névroses puisaient leur source dans la nature « bestiale » de l’homme, il explique ce que peut être une « psychothérapie infantile orientée par l’animal », ce dernier servant de « catalyseur ».

Dans les années 1970, un couple de psychiatres américains, Samuel et Élisabeth Corson, étend la pratique aux adolescents et aux adultes, et introduit pour la première fois des animaux dans les hôpitaux psychiatriques. La « thérapie facilitée par l’animal » ou « avec la médiation de l’animal » est vite devenue une pratique courante outre-Atlantique. Mais elle n’a été introduite que depuis quelques années en France, sous l’impulsion notamment de la Fondation Adrienne et Pierre Sommer.

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Souvent utilisée avec les enfants, la médiation animale s’est également développée dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et les unités de soins protégées qui accueillent des malades Alzheimer, la présence de chiens contribuant à faire ressurgir des émotions et des souvenirs. Des protocoles de recherche ont été lancés pour les étudier.

Des animaux aussi pour réhumaniser les prisons

Des expériences très positives ont également été menées en milieu carcéral, encouragées par le ministère de la justice. Un travail de « face à face » avec des chevaux semi-sauvages a ainsi été expérimenté à la centrale d’Arles (en 2013-2014), permettant d’apaiser l’atmosphère et les relations détenus-gardiens.

Des ateliers ont été mis en place (en partenariat avec l’association Handi’chiens) à la centrale pour femmes de Rennes, où on propose aux détenues d’éduquer des chiens qu’elles remettent ensuite à des personnes handicapées. La présence d’animaux a contribué paradoxalement à « réhumaniser les prisons les plus déshumanisées », souligne Boris Albrecht, directeur de la Fondation Sommer.

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« L’animal apporte de l’imprévu »

Mais il ne suffit pas d’introduire un chien dans une maison de retraite ou des chevaux dans une prison pour que les personnes se sentent mieux. Au contraire. « L’animal cristallise les tensions. Et sans une personne compétente derrière, on peut faire éclater un établissement », prévient Boris Albrecht. Ne s’improvise donc pas médiateur ou thérapeute qui veut. « Or, de nombreuses associations se sont créées qui proposent un peu tout. Et il n’existe pas pour l’instant en France de réglementation pour exercer cette activité. » La situation est toutefois en train d’évoluer rapidement. Des centres de formation se sont créés et ont demandé que leur diplôme soit reconnu par l’État.

Pratiquée pendant longtemps de façon intuitive, la thérapie assistée par l’animal commence aussi à intéresser les scientifiques. Les résultats probants de quelques études récentes, effectuées essentiellement aux États-Unis, ont été regroupés sur le site de l’IAHAIO (International Association of Human-Animal Interaction Organizations). Pourquoi un tel engouement ? « Dans une société qui a tendance à se déshumaniser, sous l’effet notamment des nouvelles technologies, l’animal est un être vivant qui apporte de l’imprévu », avance Boris Albrecht, soulignant que « les seuls qui arrivent à sortir les enfants addicts aux écrans, ce sont les animaux ».

Christine Legrand
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